Les oeuvres in situ

L'abbaye abrite trois oeuvres créées in situ par des artistes de renommée internationale : La salle Bleue de Krijn de Koning Au Pays de Lauwrence Weiner et La multiplication des contraintes de Vincent Mauger.

 

Work for the Abbaye de Corbigny (blue), 2006 - Krijn de Koning

(né en 1963 – Amsterdam Pays-Bas)

Œuvre acquise par le FRAC Bourgogne en 2007

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 "[…] qu’il s’agisse d’une galerie, d’un musée, d’un monument historique, d’un lieu public ou, plus généralement, d’un espace socialement construit, Krijn de Koning investit le lieu, procédant par imprégnation, pour élaborer une œuvre qui, malgré son amplitude, n’est jamais autoritaire.

Dans l’ancienne cuisine de l’Abbaye de Corbigny, un aplat de couleur bleu, irradiant, épouse l’architecture sans logique apparente. Des découpes franches de blanc crayeux l’entament : des verticales et des horizontales, quelques obliques ou arcs de cercle redessinent l’espace architectural, opèrent des décrochements ou imposent des continuités.

Asymétriques, les plans de couleur semblent glisser dans un jeu d’emboîtement infini. Des blocs en bois peint, comme un sol rehaussé, s’élèvent à hauteur de genou. Estrade ou banc, ils prolongent la structure colorée des murs vers le sol et opèrent la rotation des plans architecturaux. Ils obstruent l’espace, ménagent des passages et impliquent une circulation.

L’intervention déploie la construction architecturale, bouscule le sens commun du déplacement et les points de vue. On peut stationner, s’asseoir, s’accroupir, se faufiler, se trouver dans une impasse. L’impression est visuelle et physique, la couleur palpable, l’espace matière.

La forme peinte, presque organique, s’épanouit comme une « fleur blanche». Elle malmène la prétendue uniformité de la salle récemment rénovée, pour ce, intégralement repeinte en blanc, et libère l’espace de toute valeur absolue. Le remodelage architectural, le jeu subtil des volumes et des surfaces laisse percevoir l’environnement d’origine.

Sous la voûte d’arête, on peut en faire l’inventaire : les grandes fenêtres cintrées, le manteau de la cheminée en pierre, le sol en tomettes, la petite porte de service, le boîtier électrique, quatre spots dirigeables... Autant de détails anachroniques qui ruineraient l’unité architecturale si un indéniable équilibre ne se produisait entre l’œuvre et le bâtiment.

Krijn de Koning reprend les formes élémentaires de la construction architecturale, manipule les repères, joue avec les bords démultipliés de l’espace sculptural. Sans recourir au monumental, l’œuvre excède le calibrage de l’échelle domestique, étonne par l’efficacité de son évidence formelle. Elle restitue sans hiérarchie un phénomène de superpositions complexes et indivisibles d’époques et d’usages.

L’espace physique travaille mais paradoxalement, on entre de plain-pied dans un espace pacifié. Par ce jeu de distinction et de convergence, les pièces de l’artiste n’essaient ni d’actualiser un espace, ni de le révéler, ni encore d’en proposer une critique. Pas d’analyse sur les conditions idéologiques d’exposition des œuvres, pas d’insistance sur la construction du vocabulaire sculptural, pas de création d’une sculpture habitacle totalement autonome, les œuvres, véritables opérateurs, appellent à saisir « le miracle d’une réalité physique».

Krijn de Koning travaille la matière fragile d’une expérience de l’espace, la sienne. Puis l’œuvre nous invite à le suivre, mobilisant notre pratique, convoquant en nous ce processus de connaissance et de reconnaissance qui nous lie à l’espace architectural.

En repositionnant l’autonomie de l’œuvre de Krijn de Koning, en affirmant sa présence singulière et sa contiguïté avec l’architecture de l’abbaye de Corbigny, il nous propose un exercice renouvelé de contemplation. Notre parcours s’engage dans une voie étroite mais concrète où le corps prend la mesure de l’environnement construit qui, tel un paysage en mouvement, se fait et se défait.

Les pièces spécifiques réalisées pour l’abbaye de Corbigny en 2006, portaient, en néerlandais, un titre générique : Omvang, omgang [étendue, fréquentation]. C’est littéralement la substance d’un espace sous influence que l’œuvre actionne. Nous sommes, de fait, livrés à la relation avec un environnement qui nous précède, mais cette expérience sensuelle, phénoménologique et méditative renvoie chacun à l’intimité de sa position. Ni dominants, ni dominés, c’est par la pratique que nous nourrissons le lieu perçu, que nous le construisons, et complexifions le lien qui nous y unit."

 Sandrine Rebeyrat, chargée de la Documentation, Frac de Bourgogne

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Date de réalisation : 2006

Matériaux : acrylique, bois

Dimensions in-situ : Cuisine de l'Abbaye de Corbigny

Production : Abbaye de Corbigny et Parc Saint Léger – Centre d’art contemporain de Pougues-les-Eaux

530 x 720 x 700 cm

Achat à l'artiste en 2007

N°d’inventaire 2007-3

 

L’intervention de Krijn de Koning s’inscrit au cœur même d’une architecture qu’on aurait pu considérer comme figée, à tout jamais, dans l’apparente simplicité de ses pleins et de ses déliés…Une architecture condamnée, comme c’est le cas, trop souvent, dans nombre de monuments, à la non-couleur, pour ne pas dire au blanc, quelque part entre opacité et transparence, éclat ou pâleur.

Et, sans aucun doute, le bleu était-il la seule des trois couleurs primaires susceptible de se prêter à la mise en œuvre d’un tel exercice, ardu, aventureux et, d’une certaine façon, aride : avoir la force de se confronter hardiment, muni de simples esquisses et de brosses, à l’ordonnancement des voûtes sans, pour autant, plier l’échine devant l’austérité et la rigueur d’un espace conçu dans le cadre d’une règle et, par là même, voué à la symétrie.

Il y faut de l’audace et du talent. De l’imagination aussi, ce savoir-être qui semble aujourd’hui tant faire peur et que Pascal qualifiait en son temps, de « folle du logis ».

Dans son Traité des couleurs, paru en 1810, Goethe, écrivant « qu’une couleur que personne ne regarde n’existe pas », réaffirmait la forte dimension anthropologique des couleurs. Est-il illégitime de penser, dans cette perspective, que, sans la main de Krijn de Koning, cette ancienne cuisine de l’abbaye de Corbigny, n’existerait que peu, voire même, n’existerait pas. Au mieux, et peut-être pour le pire, constituerait-elle une sorte d’espace architectural qu’on pourrait qualifier de «pédagogique». C’est-à-dire un espace censé nous renseigner sur un temps, le 18ème siècle des constructeurs, qui, soit dit en passant, vit triompher le bleu et les bleus se diversifier, grâce à l’invention du fameux bleu de Prusse par un pharmacien de Berlin en 1720 et l’importation massive de l’indigo des Antilles et d’Amérique centrale, fabriqué par des esclaves....

Le bleu de Krijn de Koning monte vers le ciel, en prenant son élan sur du blanc. Chacun est fondé, ici, à l’abbaye de Corbigny, en ce lieu chargé de mémoires qui se superposent et parfois se télescopent, à l’aide de la boite à outils de son libre-arbitre, de qualifier ce bleu…Bleu des démocrates américains, bleu du drapeau de l’ONU, bleu de l’artiste Yves Klein, Bleu du ciel, cher à Georges Bataille et La terre bleue comme une orange de Paul Eluard.

 

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Work for the Abbaye de Corbigny (blue) - KRIJN DE KONING

"Le Frac Bourgogne reçoit le soutien du Ministère de la Culture et de la Communication (Direction régionale des affaires culturelles de Bourgogne), du Conseil régional de Bourgogne et du Conseil général de la Côte d’Or.

Cette acquisition a reçu le soutien de la Ville de Corbigny.

Conserver une œuvre in situ est un projet ambitieux compte tenu des diverses contraintes que cela engendre. L’acquisition d’une œuvre in situ implique le fait qu’elle ne puisse être transportée ailleurs. Aujourd’hui, cette œuvre de grande qualité est la première œuvre in situ de la collection du Frac Bourgogne.

À l’initiative de la ville de Corbigny et en partenariat avec le Parc-Saint-Léger - Centre d'art contemporain de Pougues-les-Eaux, le projet de Krijn de Koning réalisé spécifiquement pour l’Abbaye de Corbigny prend en compte les particularités de l’ancien site. Comme habituellement dans son travail, en France et à l’étranger, l’artiste repère les particularités d’un espace et met en jeu des volumes qui en accentue certains détails architecturaux.

Ainsi, dans l’ancienne cuisine, le blanc des murs se continue sur les structures posées sur le sol. Une peinture murale réunit l’ensemble en épousant la forme d’une partie des voûtes, un peu comme une fleur qui se déploie sur les murs. L’œuvre, initialement éphémère, était associée à une autre intervention dans l’escalier de l’Abbaye, pour l’exposition de Krijn de Koning intitulée : Omvang, Omgang. Ce jeu de mots néerlandais, difficilement traduisible, relie à la fois l’architecture et la déambulation du public, et dans sa version française devient « tour et détour ». Work for the Abbaye de Corbigny (blue) incite le visiteur à arpenter l’architecture en vivant une expérience inhabituelle qui l’engage à poser un autre regard sur le patrimoine.

À l’occasion de cette acquisition, le FRAC Bourgogne organisera chaque année des rencontres afin de permettre aux établissements scolaires mais aussi à tous les visiteurs curieux de découvrir cette rencontre entre l’œuvre et le lieu."

 Claire Legrand

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AU PAYS, Lawrence Weiner, 2009

Peinture

Ville de Corbigny, commande publique du ministère de la culture et de la communication (Délégation aux arts plastiques et Direction des affaires culturelles de Bourgogne)

 

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Les œuvres de Lawrence Weiner, qu'il nomme sculptures, se présentent sous la forme d'énoncés qui désignent des objets et des actions qui se construisent dans l'esprit du spectateur. Quelles que soient leurs formes (objet, phrases, éditions), elles se présentent comme des témoignages d'expériences que l'artiste a tentées concernant la nature, les priorités, le comportement de matériaux, d'objets ou de phénomènes. C'est cette dimension matérielle qui distingue son travail de l'art conceptuel dont il a été une figure fondatrice majeure, ayant participé à l'émergence et aux fondements de ce courant au cours des années soixante.

 Lawrence Weiner accompagne chacun de ses énoncés d'une Déclaration d'intention / Statement of Intent :

 « 1. L'artiste peut construire la pièce / The artist may construct the piece

  1. La pièce peut être fabriquée /The piece may be fabricated
  2. La pièce peut ne pas être réalisée / The piece need not be built

 

Chaque proposition étant égale et en accord avec l'intention de l'artiste, le choix d'une des conditions de présentation relève du récepteur à l'occasion de la réception /Each being equal and consistent with the intent of the artist the decision as to condition rests with the receiver upon the occasion of receivership. »

 La proposition de Lawrence Weiner se déploie à la fois à l’extérieur de l’abbaye de Corbigny, sur sa façade sud, comme en écho à la pierre de fondation du monument située à fleur de terre sur le pavillon du couchant, et à l’intérieur, dans l’escalier monumental. Elle consiste, dans les deux cas, en une phrase inscrite directement sur le mur, en dialogue avec l’architecture, le territoire et le spectateur. Les couleurs utilisées par l’artiste – jaune, bleu et rouge – rappellent tout autant celles du drapeau de la Bourgogne que celles des toits vernissés de la région. Ainsi, l’œuvre s’intègre-t-elle dans l’histoire et le patrimoine culturel régional tout en référant au bâtiment de l’abbaye de Corbigny, porteur d’un projet culturel contemporain.

Tournée vers la ville, l’œuvre s’adresse aux habitants de Corbigny et aux visiteurs, leur propose le texte comme un refrain à fredonner et opère une transition entre l’intérieur et l’extérieur du monument, où la même inscription se retrouve sur la façade sud.        

     

visite weiner

Lawrence Weiner, figure historique…

« …de la génération de l'art conceptuel. Depuis la fin des années 1960, cet artiste américain se sert du langage comme matière première de ses sculptures.

Le principe de son œuvre est résumé par cette formule célèbre de 1969 : “1. L'artiste peut construire la pièce. 2. La pièce peut être fabriquée. 3. La pièce n'a pas besoin d'être réalisée. Chacune de ces éventualités se valant et étant conforme à l'intention de l'artiste, le choix dépend de la décision du destinataire lors de la réception”.

Ses pièces se présentent sous la forme de « statements », ou énoncés, écrits sur le mur en lettres géantes. Décrivant de façon impersonnelle des actions simples ou bien des matériaux, ces morceaux de phrase engagent le spectateur dans une nouvelle relation à l'œuvre, qu'il ne s'agit plus de voir mais de concevoir. En même temps, la typographie et la mise en espace des groupes de mots composent une véritable partition visuelle alternant lignes droites et brisées ».

 Extrait du site Internet de l’éditeur dijonnais Les Presses du réel

Conversation avec Lawrence Weiner

 

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LA MULTIPLICATION DES CONTRAINTES - VINCENT MAUGER 2011

Co-production Abéïcité de Corbigny / Parc Saint Léger - Hors les murs

Acquisition Ville de Corbigny

 

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En 2011, l’Abéïcité et le Parc Saint Léger – Hors les murs ont invité l’artiste Vincent Mauger à investir une partie de l’espace des caves de l’Abbaye de Corbigny.

En s’imprégnant de ce lieu de mémoire(s), l’artiste a imaginé et conçu une sphère imposante composée de palettes de bois.

Diplômé de l’École Nationale des Beaux-Arts de Paris, Vincent Mauger travaille in situ, faisant dialoguer la matière de l’œuvre et l’espace qui l’entoure. En utilisant des matériaux simples de construction, il matérialise des éléments issus de l’expérience sensible, comme des images, des émotions, ou des perceptions. Il transforme et réinvente la topographie des lieux en y intégrant des formes, en y déployant des paysages. Ses œuvres, le plus souvent éphémères, offrent au visiteur une réinterprétation fictive et sensible du lieu qu’elles habitent. Le titre de l’œuvre de Vincent Mauger, La multiplication des contraintes, fait référence aux nombreuses difficultés liées à la fabrication d’une telle sculpture, tant pour l’assemblage et la construction de sa structure interne, que pour son installation dans cet espace particulier que sont les caves de l’Abbaye de Corbigny.

 

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"Les œuvres de Vincent Mauger sont décomposables, révélant des logiques d’assemblage, d’empilements et de juxtaposition d’éléments, toujours dans un matériau unique, bois, parpaing, polystyrène,...Vincent Mauger a choisi ici de donner à cette sculpture une forme sphérique simple qui crée un contraste avec sa structure interne très construite. Il s’intéresse à cette opposition entre la complexité du monde qui nous entoure et les représentations simplifiées qui circulent dans notre imaginaire collectif et qu’on retrouve dans les univers virtuels. La sphère, forme récurrente dans son travail artistique, est le symbole du mouvement, utilisée dès l’Antiquité pour incarner l’univers et sa marche.

En tournant autour de celle-ci, le spectateur peut avoir l’impression que la matière se déconstruit et se reconstruit dans un perpétuel mouvement. Il en résulte un paysage ou une forme mouvante créés paradoxalement à partir de matériaux habituellement destinés aux formes finies et immobiles, et issus du vocabulaire du bâtiment. En outre, le dialogue entre, d’une part, la masse et l’envergure du volume et d’autre part, la sensibilité et la fragilité de la forme, offre à cette sculpture une lecture poétique. Si la forme sinueuse et légère de l’œuvre évoque la douceur, elle n’en reste pas moins imposante de par sa monumentalité et le matériau « brut » de construction qui a permis sa réalisation."

 Céline Poulin, chargée de programmation Hors les murs au Parc Saint Léger, centre d’art contemporain

 

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 sphere en cours